Linda Ameryckx, Michel Degueldre, Gilbert Donders, Jean-Michel Foidart, Yves Jacquemyn,
Michelle Nisolle, Willy Peetermans, Jean-Luc Squifflet, Jasper Verguts, Steven Weyers
Michel Degueldre • CHU St-Pierre, Bruxelles
Yves Jacquemyn • UZ Antwerpen, UA
Michelle Nisolle • CHU de Liège, ULg
Jean-Luc Squifflet • Clin Univ St-Luc, UCL, Bruxelles
Jasper Verguts • UZ KULeuven, coordinateur
Mycoplasmes. L’importance du principe d’infection ascen-
L’infection pelvienne chez la femme est définie comme
dante par voie endocervicale est renforcée par le fait que
une Pelvic Inflammatory Disease (PID) dans la littérature
75% des infections débutent durant les 7 premiers jours
et correspond à une infection ascendante de l’endocol, de
du cycle menstruel. Les Actinomyces et Bactéroïdes Fra-
l’utérus, des trompes et des ovaires, en général secondaire
gilis (anaérobes) sont plus souvent associés à la présence
à des rapports sexuels. Les infections pelviennes après une
chirurgie ou liées à une grossesse (per-partum ou post-
Les facteurs de risque d’acquisition de l’infection pelvienne
partum) ne font pas partie de cette définition et ces re-
sont donnés au tableau 1.
commandations ne sont donc pas applicables.
Tableau 1: Facteurs de risque d’acquisition d’une infection
L’infection pelvienne peut être caractérisée par trois gra-
des de sévérité établis lors d’une laparoscopie. L’infection
de grade I signifie qu’il existe soit une endométrite, soit
un érythème des trompes ou la combinaison des deux.
Un grade II correspond à un oedème des trompes avec un
• Age: les adolescentes actives sexuellement ont un
aspect inflammatoire des muqueuses. Le grade III corres-
risque multiplié par 3 de développer une salpingite
pond à une collection de pus (pyosalpinx) ou à un abcès
par rapport aux patientes âgées entre 25 et 29 ans
- Mise en place d’un DIU endéans les 6 semaines
Il n’existe pas, en Belgique, de données concernant la pré-
PID: pelvic inflammatory disease - IST: infection sexuellement transmissible - D&C: dilatation
et curetage - HSG: hystérosalpingographie - DIU: dispositif intra-utérin - FIV: fécondation
valence de cette pathologie. L’incidence des infections pel-
in vitro - IIU: insémination intra-utérine - IVG: interruption volontaire de grossesse
viennes en Suède est de l’ordre de 62,3 femmes sur 100.000. Chez les patientes symptomatiques d’infection pelvienne, 15 à 20% présentent des complications nécessitant une
prise en charge chirurgicale. Il n’y a aucune donnée sur la
En cas de suspicion d’infection pelvienne, l’anamnèse doit
prévalence des infections pelviennes asymptomatiques.
rechercher une fièvre endéans les deux semaines, un ma-laise général, une douleur hypogastrique ou une douleur
Les micro-organismes principaux responsables des in-
majorée à la mobilisation (marche, transport en voiture…).
fections sont retrouvés dans la flore vaginale normale (Gardnerella Vaginalis, Peptostreptocoque, Streptocoque,
Les symptômes d’origine gynécologique doivent être
Klebsiella…). Les autres micro-organismes responsables de
précisés et caractérisés, comme la présence de pertes
ces infections sont transmis par voie sexuelle, comme le
vaginales, saignements post-coïtaux, dyspareunie et
Neisseria Gonorrhoeae, le Chlamydia Trachomatis et les
douleurs abdominales irradiant à la face interne des cuisses.
Figure 1: Signe microscopique de mucus endocervical
Figure 2: Image d’une trompe majorée de taille avec une
infecté: globules blancs en palissade entourés de mucus
paroi tubaire épaissie, de plus de 5mm, hypervascularisée,
Les symptômes apparaissent préférentiellement durant les
Le diagnostic clinique de l’infection pelvienne étant diffici-
le, la laparoscopie reste l’examen de choix pour confirmer
Les critères minimaux obligatoires pour le diagnostic
le diagnostic dans les cas cliniquement douteux.
d’une infection pelvienne sont:- douleurs abdominales hypogastriques,
- mobilisation annexielle ou cervicale douloureuse au
Une formule leucocytaire complète avec une CRP
(C-reactive protein) est le standard préconisé dans les tests
Ces critères sont également présents dans d’autres dia-
sanguins. Ceci est utile autant dans le diagnostic que dans
gnostics (infection urinaire, torsion…).
le suivi de la pathologie. Un test de grossesse (bêta-HCG) doit également être réa-
Les critères complémentaires au diagnostic d’une infec-
lisé en cas de suspicion de grossesse extra-utérine, de
fausse couche ou d’avortement septique.
- température > 38,5°C,- leucorrhées cervicales,
Des prélèvements vaginaux, voire au mieux cervicaux,
- imagerie pelvienne (échographie, CT-scan, résonan-
pour culture aérobie, recherche de Gonocoques et PCR
ce) suggestive d’un abcès tubo-ovarien, paramètres
pour Chlamydia, doivent être réalisés.
sanguins de l’inflammation majorés (CRP, leucocy-tose supérieure à 10.000/ml, vitesse de sédimentation
Un sédiment et une culture urinaire permettent d’exclure
une infection du tractus urinaire. Une recherche d’infec-
- présence d’une infection par Chlamydia Trachomatis
tion par mycoplasme (PCR) peut être utile.
ou Nesseria Gonorrhoeae, ou signes histologiques d’endométrite à la biopsie.
L’évaluation du nombre de globules blancs à l’examen mi-croscopique d’un prélèvement vaginal a une haute sen-
L’oedème et l’érythème vulvaire, vaginal et/ou cervical sont
sibilité et une valeur prédictive négative élevée dans le
également suggestifs d’un processus infectieux. Des leu-
corrhées vaginales associées à un col inflammatoire rouge oedématié et saignant facilement au contact sont compa-
L’évaluation du nombre de globules blancs au frottis vagi-
tibles avec une infection locale. Des leucorrhées provenant
nal a une valeur importante dans l’exclusion de la cervicite
de l’endocol doivent faire envisager un diagnostic d’infec-
De plus, à l’examen à frais, le remplacement de la flore de
Lors de l’examen vaginal bi-manuel, la douleur élective à la
Lactobacilles par des Coques ou des Anaérobes, avec un
mobilisation utérine ou annexielle est un signe très sensi-
aspect de globules blancs en palissade entourés de mu-
ble d’une infection pelvienne, mais peu spécifique. La pal-
cus cervical (Figure 1), est également un critère orientant
pation d’une masse annexielle ou dans le Douglas lors de
le diagnostic d’infection pelvienne. A l’inverse, l’absence
cet examen doit faire suspecter un abcès tubo-ovarien.
de globules blancs au frottis à frais ainsi qu’une flore de
Figure 3: Image d’hydrosalpinx à paroi fine (épaisseur de la
Tableau 2: Indications du CT scanner.
• Examen échographique impossible (sténose vaginale)• Discordance entre l’examen clinique et l’examen
• Echec d’un traitement médical (absence d’évolution
• Bilan complet du processus inflammatoire
(entre autre, douleurs et hépatite liées au syndrome
• Détection d’éventuelles complications:
• Diagnostic différentiel d’autre étiologie (plastron
appendiculaire, kyste dermoïde, endométriose…)
Lactobacilles abondante rend peu probable le diagnostic
La résonance magnétique nucléaire du petit bassin peut
montrer une inflammation des paramètres qui est un signe très spécifique. Les images en suppression de graisse mon-
L’infection pelvienne étant considérée, dans un nombre
trent une zone hyper-intense (aussi appelée ‘halo’) visible
non négligeable de cas, comme une infection sexuel-
en T2 et encore plus marquée en T1. Les structures abcé-
lement transmissible, un dépistage d’autres infections
dées ou pyosalpinx présentent des contenus liquidiens qui
sexuellement transmissibles est recommandé (HIV, hépa-
peuvent apparaître hyper-intenses en T1 avec saturation
tites, syphilis et dépistage du cancer du col).
de graisse et hyper-intenses en T2, confirmant une na-ture hématique ou riche en protéines (débris inflammatoi-
Les chiffres de sensibilité et de spécificité pour l’examen
res). L’injection de produit de contraste permet également
échographique ne sont pas connus. Les anomalies écho-
d’établir un diagnostic de cellulite pelvienne et de faire la
graphiques visibles sont à mettre en rapport avec la sévérité
différence entre des images chroniques et aiguës.
du grade de l’infection pelvienne. Néanmoins, une écho-graphie normale n’exclut pas le diagnostic d’une infection
La biopsie endométriale permet d’orienter le diagnostic,
pelvienne, mais permet d’établir un diagnostic différentiel
mais son résultat positif est insuffisant pour établir un
d’autres étiologies des douleurs abdominales. La figure 2
diagnostic de certitude. Les endométrites aiguës apparais-
montre l’image d’une trompe majorée de taille avec une
sent, dans la plupart des cas, après une chirurgie, un acte
paroi tubaire épaissie, de plus de 5mm, hypervascularisée,
invasif ou en association avec des restes placentaires. Une
compatible avec un pyosalpinx. La figure 3 montre une image d’hydrosalpinx à paroi fine (épaisseur de la paroi
endométrite chronique est fréquente après insertion d’un
tubaire < 3mm) plutôt compatible avec une infection sub-
dispositif intra-utérin ou après radiothérapie.
aiguë. En présence d’abcès tubo-ovarien, l’échographie met en évidence des collections liquidiennes (parfois avec
niveaux hydroaériques) délimitées par des parois épaisses richement vascularisées. Ces structures sont le plus sou-
Les complications les plus fréquentes après une infection
vent étroitement ‘collées’ à l’utérus et bougent ‘en bloc’ à
pelvienne sont les douleurs pelviennes, une dyspareunie
et une infertilité (risques relatifs multipliés par 6 après un épisode et par 17 après deux épisodes).
La visualisation de masses annexielles bilatérales hétéro-gènes fortement vascularisées avec des collections mul-
Plus de 30% des patientes présenteront un syndrome de
tiples de liquide doit faire suspecter le diagnostic d’abcès
douleurs pelviennes chroniques après au moins un épi-
tubo-ovarien. En cas de masse volumineuse, de discordan-
ce entre l’examen clinique et l’échographie ou de collec-tions multiples, un CT scanner abdominal total peut être
Le risque de grossesse extra-utérine est également majoré
proposé (Tableau 2).
après infection pelvienne, mais reste relativement bas.
de masses. Le drainage chirurgical de ces masses est re-
Tableau 3: Indications d’hospitalisation et de traitement
commandé, soit par laparoscopie, soit par voie vaginale ou
encore sous contrôle de CT scanner ou échographique.
• Chirurgie nécessaire• Présentation clinique sévère
La durée du traitement antibiotique dépendra de l’évo-
• Abcès tubo-ovarien (infection pelvienne de grade III)• Grossesse
lution clinique et biologique. L’indication d’une chirurgie,
• Echec d’un traitement antibiotique oral après 48h
dans un deuxième temps, doit être discutée en fonction de
• Patiente immunodéprimée (HIV, greffée…)
l’âge de la patiente, de l’évolution clinique et de l’exclusion
• Intolérance au traitement antibiotique oral
d’autres diagnostics (lésion borderline et/ou maligne).
TraitementL’antibiothérapie empirique doit être débutée avant les
résultats des prélèvements bactériologiques (aérobes,
L’abcès tubo-ovarien est la forme ultime et la plus sévère
anaérobes, recherche de Chlamydia Trachomatis et Nes-
d’infection pelvienne. La réaction inflammatoire causée
seria Gonorrhoeae). Il existe une résistance importante du
par une infection bactérienne ascendante engendre des lé-
N. Gonorrhoeae aux quinolones (jusqu’à 50%). Une réé-
sions endothéliales et des adhérences intra-tubaires dans
valuation clinique est recommandée après 48h à 72h de
lesquelles les bactéries, les produits de l’inflammation et
traitement. En cas de chirurgie avec initiation d’un trai-
les globules blancs sont accumulés. Une fois ces collec-
tement antibiotique intraveineux, le relais par prise orale
tions organisées, il y a une diminution de la saturation
est conseillé pendant une durée de 10 à 14 jours au mi-
en oxygène dans celles-ci. Il existe une modification de
nimum voire plusieurs semaines en cas d’infection sévère.
la flore bactérienne qui favorise l’émergence de bactéries
Les indications de traitement intraveineux sont reprises au
anaérobes (appelée ‘shift’ anaérobique). La présence d’une
tableau 3.
masse annexielle, voire dans le cul-de-sac de Douglas, à l’échographie et au scanner, associée à une température et
Le choix empirique des antibiotiques est repris au tableau 4.
un syndrome inflammatoire à la prise de sang, doit faire évoquer ce diagnostic.
En présence d’une évolution clinique défavorable ou d’une
La laparoscopie n’est pas systématique dans les infections
non-normalisation du syndrome inflammatoire, un dia-
pelviennes mineures. Néanmoins, en cas de symptomato-
gnostic de complication d’abcès tubo-ovarien doit être
logie clinique équivoque, de diagnostic différentiel, d’étio-
évoqué et recherché à l’imagerie. En effet, 80% des pa-
logie imprécise ou lorsque la patiente ne présente pas
tientes ne répondant pas à un traitement antibiotique ont
d’évolution clinique favorable, une chirurgie diagnostique
un abcès tubo-ovarien. Le traitement de ce type de patho-
est indiquée. Durant celle-ci, une évaluation complète
logie dépend de l’état clinique de la patiente et du nombre
de la cavité abdominale, l’exclusion d’autres lésions non
Tableau 4: Schéma antibiotique chez une patiente présentant une infection pelvienne. Cervicites Salpingites / PID
La durée du traitement peut varier en fonction de l’évolution clinique et biologique (abcès: traitement recommandé jusqu’à 6 semaines)Traitement ambulatoire
L’association de 5-nitro-imidazole en cas de couverture d’une infection anaérobe (abcès) peut être recommandée
HospitalisationSwitch vers un traitement oral possible après évolution favorable de 48h de traitement intraveineux
5-nitro-imidazole: métronidazole (Flagyl), ornidazole (Tiberal), tinidzole (Fasigyn)Amoxi-Clav: Augmentin, Clavucid, acide amoxicillin-clavulanic génériqueAzithromycine: Zitromax, azithromycine génériqueCeftriaxon: Rocephine, ceftriaxone génériqueDoxycycline: Vibratab, doxycycline génériqueLevofloxacine: TavanicMoxifloxacine: Avelox
gynécologiques ainsi qu’un rapport circonstancié sont
Une éducation à la santé sur le comportement sexuel doit
réalisés ainsi que des prélèvements bactériologiques.
également être proposé: ABC (Abstain, Be faithful and use Condom – Abstinence, Fidélité et Préservatifs).
En présence d’abcès tubo-ovarien et de drainage de celui-ci, un ou plusieurs drains intra-péritonéaux sont laissés en place pour une durée d’au moins 24h.
SuiviLe suivi des paramètres inflammatoires, des collections ou abcès visualisés à l’imagerie est nécessaire.
Prévention des infections pelviennesUn dépistage des infections à Chlamydia et d’autres infec-
Un contrôle de la négativité ou de la persistance d’une
tions sexuellement transmissibles est recommandé chez
infection à Chlamydia n’est pas nécessaire après une prise
des groupes de patientes à haut risque (prostitution, abus
sexuel, patiente avec antécédents d’infection pelvienne).
Il est important d’avertir la patiente des facteurs de risque
Les adolescentes et les patientes consultant dans le cadre
associés (douleurs pelviennes chroniques, dyspareunie,
d’une contraception peuvent également bénéficier d’un
infertilité et grossesses extra-utérines) comme complica-
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